31 octobre 2006

Toussaint

La soeur d'Aline lui a écrit, à propos de ce 1er novembre :

Le premier demain est d'aujourd'hui : je vais me lever vers 8h30 et aller faire un footing. Je me doucherai puis je déjeunerai et ensuite je mettrai le poulet aux herbes au four. Je prendrai le livre que je viens de recevoir : Ouest de F. Vallejo (ter) et je lirai enroulée dans mon plaid (le tien).
On boira du champagne et ensuite on mangera le poulet aux herbes.
Ensuite après avoir tout rangé je ferai la sieste.
Puis je lirai jusqu'au soir. Nous finirons la bouteille de champagne. Ph aura été adorable toute la journée. Nous dînerons au coin du feu (premier de l'année) et ce sera très agréable.
Je me mettrai au lit en me disant que c'était un excellente journée et je finirai Vallejo s'il m'en reste.

Le deuxième demain est de demain soir : je vais traîner au lit comme d'hab et me reprocher toute la journée d'avoir perdu la matinée à me maquiller et à déjeuner en lisant (F. Vallejo). Vers midi ph me demandera ce qu'on mange et je me reprocherais de ne pas avoir mis le poulet plus tôt car il manquera encore une heure de cuisson. Je sortirai le champagne pour le faire patienter et je ferai des allumettes au fromage (alors que je dis toujours : demain, j'en ferai demain, ce qui au passage me fera prendre un kilo (avec le champagne et le pt déj hyper copieux)). Quand le poulet sera cuit il sera 14h. J'aurais oublié de mettre les herbes car je serai, contrairement à lui :
un peu trop cuite ! ph me demandera du fromage en dessert et il n'y en aura pas.

Dès que nous aurons bu notre café, j'irai m'écraser sur le lit pour cuver sans avoir nettoyé la cuisine (ça je ne supporte pas). Je dormirai jusqu'à 17h. Je débarasserai la cuisine. Et je me mettrai au repas du soir. Ph voudra sûrement une petite soupe de légumes mais il n'y en aura pas.
J'ouvrirai une garbure de sa mère et toc !

Nous nous coucherons tôt car la cheminée n'est pas ramonée et elle va se mettre à fumer quand nous allons essayer de l'alumer pour la première fois. Il fera froid dans le salon car nous aurons tout ouvert pour aérer, en plus ça sentira la fumée. Je n'aurais plus rien à lire vu que j'aurais fini Vallejo le matin. Je serai de mauvaise humeur car je n'aurai même pas sommeil.

Correspondance avec ma soeur

Subject: toussaint

Aline répond à sa soeur, qui lui demande ce qu'elle fera ce 1er novembre :

Moi je me lèverai tard, et Ph sera levé depuis un moment (au moins une heure et demie), il aura fait beaucoup de bruit, il aura allumé la lumière de la chambre, sifflé le chien, nourri le chat, claqué les portes, dans l'espoir que je finisse par me lever. Un thé refroidi m'attendra sur la
table de la salle à manger, et quand j'arriverai pour déjeuner en robe de chambre Ph se lèvera pour débarrasser la table. Il partira acheter le journal et mettra 2 heures à revenir. Il reviendra avec des paupiettes de chez Vaysse que je serai censée cuisiner pour midi, alors qu'il sera déjà midi et demie.
Pendant que je serai sous la douche, il passera l'aspirateur à feuilles mortes en faisant beaucoup de bruit, il rentrera en claquant la porte et il demandera si les paupiettes sont cuites (elles ne le seront pas). Quand on aura fini de manger (à l'eau à cause de la goutte) j'aurai l'estomac un peu lourd à cause de la farce des paupiettes dans laquelle Vaysse met beaucoup d'échalottes et je boirai une tisane. Ph s'endormira sur le canapé en lisant le journal car il se sera levé trop tôt le matin. Moi je ne pourrai pas faire le ménage parce que ça fait du bruit, et j'attendrai qu'il se réveille pour faire quelque chose. Alors je lirai "le bélier noir" de Michel Quint qui me file le bourdon mais qui est super bien comme tous les romans de QUint sauf que je ne comprends jamais tout. A 17 heures quand il fera presque nuit Ph se réveillera et râlera parce qu'on n'aura rien fait de la journée.
Alors je me mettrai à faire du ménage et lui il regardera la télé en râlant parce qu'il n'y a rien à regarder. Vers 19 heures j'aurai faim, parce que j'ai toujours faim, mais lui il dira qu'il a encore les paupiettes sur l'estomac et qu'il ne veut pas manger. Pour ne pas culpabiliser je me ferai une petite soupe mais j'aurai toujours faim. Alors vers 9 h 30 quand le film sera bien commencé il ira chercher du fromage dans le frigo, parce qu'il en reste du week-end , et qu'il a une petite faim, et moi ça me fera envie. Je me ferai une tisane pour essayer d'oublier le fromage mais je mangerai quand même du gouda extra vieux. Alors quand le film sera fini il y aura plein de trucs dans l'évier, sans compter les croûtes de fromage dans la gamelle du chien, je n'aurai toujours pas repassé et Ph n'aura pas de chemise pour jeudi, il faudra déballer la table et la centrale à vapeur et vite repasser 2 chemises pour aller jusqu'au week-end.
Je me coucherai en me disant qu'encore une fois je n'ai pas écrit, et que ce n'est pas prêt d'être publié, ce truc qui dure depuis plus de trois ans, et je culpabiliserai pour le roman, pour le repassage, pour le gouda extra-vieux, pour la grasse-matinée, parce qu'on n'aura rien fait de la
journée, et qu'une année de plus je n'ai pas mis de chrysanthèmes au cimetière.

Aline T

09 octobre 2006

Linea

Sur mon agenda, l'écrivain de la semaine : Sartre. Sa devise : Nulla dies sine linea.

Très bien, très studieux, très intelligent. Au delà du fait que j'aimerais faire mienne cette devise, que dis-je, cette profession de foi, cet engagement, cette promesse, le mot linea revient comme une litanie en ces jours obscurcis.

Avez-vous vu la linea entre les Etats Unis d'Amérique et le Mexique ? La linea de la honte, comme tant d'autres murs qui nous mettent le rouge au front. La linea de la rupture, du repli, de la peur et de l'auto-protection. La linea qui nous ramène aux fils de fer du Maroc, aux canots des Canaries, aux camions-frigo remplis de chinois congelés, au camp de Sangathe. Linea, malheur de nous autres, hommes bien nourris, chauffés, logés, distraits, éduqués, que dis-je, cultivés, distingués ?

Linea du Mexique, mur de Palestine, barbelés de Mellilia, voile sur les regards, je baisse les yeux en passant devant la misère couchée au coin des rues, je m'insurge de voir des enfants vivre au milieu des cafards et des rats, et je m'endors au chaud et au propre.

Je suis née du bon côté de la linea, et cela pourtant ne suffit pas à me rassurer.

05 octobre 2006

J'veux pas le quitter

Ce matin était morose.
Enfiler des chaussettes, mettre des chaussures fermées. Un pantalon noir, un tee-shirt noir aussi. Se maquiller avec insistance pour avoir bonne mine.
J'veux pas le quitter.
Prendre une veste, aussi. Changer de sac à main, pour qu'il soit assorti. Mettre du rose pour ne pas avoir mauvaise mine.
J'veux pas le quitter.
J'ai déjà froid. Je m'ennuie déjà. Se coucher de bonne heure, ne pas voir le matin se lever, traîner pour se lever. Allumer du feu pour se tenir compagnie, rôtir quelques châtaignes, croquer des noix, ramasser des champignons, pour toute occupation.
J'veux pas le quitter.
Déjà les jours sont courts, déjà le brouillard est là le matin. Déjà les fleurs sont fanées, déjà je ne m'attarde plus dans le jardin.
J'veux pas le quitter, mais voilà : l'été est parti sans savoir qu'il me laisserait éplorée.

04 octobre 2006

Oh !

Ou comment une soirée peut se transformer en féérie.

Tout en haut, au 3eme étage, la tête au ras du plafond, les genoux touchant le fauteuil de devant, 30° et pas un souffle d'air, rien n'annonce que la soirée sera exceptionnelle.

Tout en bas, la scène, un piano à queue, un rond de lumière. Rien. Rien sauf l'artiste, son talent.

Surprise : il parle beaucoup, son humour est terrible.
Ses textes précis, très ciselés, nous font mal, ou nous font du bien. Ses mélodies sont douces, et quel pianiste ! On pleure, on rêve, on rit. On en redemande.

C'est promis, on reviendra voir William Sheller en concert.